Lettre ouverte: Du voyeurisme religieux? Mel Gibson
Posté : 10 avr. 2004 08:09
Du voyeurisme religieux?
Patrice Perreault
Granby
Le film de Mel Gibson, La Passion du Christ, s'est donné le projet ambitieux de décrire "comme cela s'est passé" les douze dernières heures de la vie de Jésus de Nazareth. Nous pouvons nous demander si le film atteint ces objectifs puisque bien des éléments n'apparaissent aucunement historiques. Songeons simplement à la séquence des clous enfoncés qui représente davantage une compréhension traditionnelle voire traditionaliste de la crucifixion. En effet, les clous étaient enfoncés dans les poignets et non dans la paume de la main du crucifié.
L'utilisation des évangiles est délicate puisqu'ils ne sont pas des biographies mais bien des catéchèses pour les communautés chrétiennes. Ils ont été écrits entre 30 et 70 ans après les événements. (...) De plus, une des sources rarement mentionnée provient des propos d'une religieuse allemande, Anne-Catherine Emmerich (1774-1824).
Cette personne, déclarée vénérable, avait des "visions" de la passion. La lecture de ces "visions" s'avère fort éclairante. La description de la crucifixion présente dans ces "visions" s'apparente grandement au film de Gibson. Si cela reflète les sensibilités d'il y a 300 ans, cela ne représente aucunement la réalité historique. (...)
Finalement la théologie du film se fonde davantage sur une compréhension de la mort de Jésus qui s'appuie sur des notions précédant Vatican II. Celles-ci mettent l'accent sur le dolorisme ainsi que le sacrifice expiatoire de Jésus pour les humains. Le film de Gibson reprend l'idée du "sacrifice de Jésus" afin de payer au père la dette contractée par le "péché originel". (...) Or la mort sur la croix constitue plutôt un anti-sacrifice. Parce que la mort de Jésus s'inscrit dans la logique de sa vie, en solidarité avec les personnes exclues religieusement et socialement.(...)
La Passion du Christ est un bon film. Cependant, en mettant l'accent sur l'événement de la croix, il y a toujours un risque de faire l'économie de la signification tant de la vie que du message de Jésus de Nazareth au profit d'une théologie qui fait fi des enjeux humains et sociaux. (...) Par sa vie, ses prises de position, sa solidarité et sa liberté jusqu'à la mort, Jésus a montré un idéal: celui des relations humaines inscrites au coeur d'une communauté fondée sur la justice, la coopération, l'amour, l'égalité et la vie.
Patrice Perreault
Granby
Le film de Mel Gibson, La Passion du Christ, s'est donné le projet ambitieux de décrire "comme cela s'est passé" les douze dernières heures de la vie de Jésus de Nazareth. Nous pouvons nous demander si le film atteint ces objectifs puisque bien des éléments n'apparaissent aucunement historiques. Songeons simplement à la séquence des clous enfoncés qui représente davantage une compréhension traditionnelle voire traditionaliste de la crucifixion. En effet, les clous étaient enfoncés dans les poignets et non dans la paume de la main du crucifié.
L'utilisation des évangiles est délicate puisqu'ils ne sont pas des biographies mais bien des catéchèses pour les communautés chrétiennes. Ils ont été écrits entre 30 et 70 ans après les événements. (...) De plus, une des sources rarement mentionnée provient des propos d'une religieuse allemande, Anne-Catherine Emmerich (1774-1824).
Cette personne, déclarée vénérable, avait des "visions" de la passion. La lecture de ces "visions" s'avère fort éclairante. La description de la crucifixion présente dans ces "visions" s'apparente grandement au film de Gibson. Si cela reflète les sensibilités d'il y a 300 ans, cela ne représente aucunement la réalité historique. (...)
Finalement la théologie du film se fonde davantage sur une compréhension de la mort de Jésus qui s'appuie sur des notions précédant Vatican II. Celles-ci mettent l'accent sur le dolorisme ainsi que le sacrifice expiatoire de Jésus pour les humains. Le film de Gibson reprend l'idée du "sacrifice de Jésus" afin de payer au père la dette contractée par le "péché originel". (...) Or la mort sur la croix constitue plutôt un anti-sacrifice. Parce que la mort de Jésus s'inscrit dans la logique de sa vie, en solidarité avec les personnes exclues religieusement et socialement.(...)
La Passion du Christ est un bon film. Cependant, en mettant l'accent sur l'événement de la croix, il y a toujours un risque de faire l'économie de la signification tant de la vie que du message de Jésus de Nazareth au profit d'une théologie qui fait fi des enjeux humains et sociaux. (...) Par sa vie, ses prises de position, sa solidarité et sa liberté jusqu'à la mort, Jésus a montré un idéal: celui des relations humaines inscrites au coeur d'une communauté fondée sur la justice, la coopération, l'amour, l'égalité et la vie.